#1020 Les outils que j’utilise : les basiques
Ecrire tous les jours, ça demande de bons outils. Des outils qu’on découvre, qu’on crée, qu’on entretient.
Commençons par le commencement.
Pour écrire, il y a trois outils absolument indispensables : l’imagination, le temps et le travail. Tout le reste vise à aider ou entretenir l’imagination, optimiser ou gagner un peu de temps, rendre le travail moins fastidieux. En résumé, si on a de l’imagination, du temps et qu’on travaille, le reste relève du confort.
C’est moche, mais c’est la vérité.
L’imagination
L’imagination, tout le monde en a. Peut-être pas l’imagination des histoires, mais la débrouillardise, l’adaptabilité, l’anticipation d’un résultat attendu, l’envie de faire quelque chose de nouveau, l’émerveillement devant la beauté… Tout ça, c’est de l’imagination. Qu’on le fasse en coupant des cheveux, en plantant des arbres ou en créant des histoires, ça n’a aucune importance : on a de l’imagination.
Pour créer une histoire, il suffit de dire une vérité, par exemple « il y a du vent ce matin » (oui, je ressors le cliché de la météo) et de la transformer en « et si… ». Et s’il n’y avait pas de vent du tout ? Et si le vent ne s’arrêtait jamais ? Et là, en continuant à creuser l’idée, à la creuser sans fin, on fait un roman (La Horde du Contrevent, un classique de SF).
L’imagination, ça s’entretient. Notre monde nous pousse à la fainéantise intellectuelle. Pour garder son imagination intacte, pour la cultiver, l’améliorer, l’affiner, il faut résister à la facilité de la fainéantise. Lire au lieu d’écouter des podcasts, discuter avec les gens au lieu de scroller sur son smartphone, se corriger soi-même au lieu de demander à Gépété de s’en mêler…
Selon moi, l’imagination est directement liée à notre perception du monde. Moi, je vois le monde en 3D. En permanence et de manière presque intuitive, depuis que je suis gosse, je vois des lignes se déplacer dans ce qui m’entoure, traverser l’espace. Je vois les mouvements déplacer les lignes, en former d’autres. A l’inverse, j’ai beaucoup de mal quand le monde est représenté en 2D, et que je dois m’orienter sur une carte ou faire un dessin.
J’imagine le monde comme je l’ai toujours vu : je suis capable d’imaginer des gens, des mouvements, mais aussi des meubles ou des vêtements. Pour moi, c’est la même forme d’imagination, elle trouve juste des applications dans des domaines différents.
Et vous, est-ce que vous vous êtes déjà demandé comment vous percevez le monde ? Quelle forme a votre imagination ?
Le temps
Tout le monde court après le temps. Mais la vérité, c’est qu’on peut décider de prendre le temps. Ça demande, comme pour l’imagination, une forme de résistance à la facilité, parce que ce temps, nombre de gens essaient de nous le voler (et de le revendre au plus offrant).
Le temps est à la fois plus limité et plus souple qu’on le croit. La journée ne dure que 24 heures, et une fois qu’on a déduit le sommeil, le travail, les transports, la famille, les tâches ménagères et quelques minutes pour faire caca, il arrive qu’on soit en déficit.
Mais écrire, ça demande du temps. Créer demande du temps. Beaucoup de temps. Face à une journée aussi limitée que celle de tout le monde, j’ai rapidement réalisé que je devais faire des choix et libérer du temps. Du temps pour taper et corriger, évidemment, mais aussi du temps pour construire des histoires, faire vivre (un peu) mes réseaux, entretenir l’imagination, rêvasser…
J’ai libéré mon temps de la même façon que j’ai raisonné mon budget : avec des ressources limitées et des besoins essentiels, sur quoi puis-je grignoter, ici ou là, quelques minutes ? Quelques minutes au travail, quelques minutes sur le trajet, quelques minutes en optimisant certaines activités inutilement chronophages. Et j’ai libéré assez de temps pour écrire.
Et vous, est-ce que vous avez déjà pensé à voir votre journée comme un budget ? Sur quoi prendriez-vous des minutes, voire des heures ?
Le travail
On sous-estime le travail dans la création. On suppose toujours que l’imagination suffit, que c’est une sorte d’illumination divine qui frappe l’écrivain⋅e et lui souffle des histoires. On entend souvent parler des romans écrits en quelques jours ou quelques semaines, et on érige ces mythes en règle universelle. Spoiler : ce sont des mythes.
Ecrire demande du travail. Beaucoup de travail, à toutes les étapes de l’écriture : avant même d’écrire, pendant qu’on écrit, qu’on corrige, après avoir écrit. On doit travailler le schéma narratif, travailler la psychologie des personnages et leurs interactions, travailler le style, les dialogues, les descriptions, travailler le background de l’histoire.
Et puis on se pose des questions, beaucoup de questions, et on doit trouver des réponses. Est-ce que ces personnages font doublon, est-ce que celui-ci est assez nuancé, est-ce que ça se voit trop que celui-là va mal tourner ? Est-ce que cette description est trop longue, ce dialogue bien utile ? A quoi servent les prologues, quelle est la longueur idéale d’un chapitre ? Est-ce que j’écris au présent, à la première personne, avec un narrateur omniscient ?
On corrige, on teste d’autres choses, on hésite, on recommence. On réalise qu’on est seul⋅e au monde, seul⋅e aux commandes pour créer un monde qui doit se tenir droit, être à la fois limpide, immersif, sensible, un monde qui sera mal interprété et qu’il faudra le moment venu lâcher prise, laisser ce monde vivre sa propre vie.
En moyenne, un roman demande entre 1000 et 2000 heures de travail. Pour comparer, un temps plein, c’est 1607 heures par an. Et pour peu que, comme moi, vous visiez très haut (de mon point de vue, je ne vise jamais assez haut), on dépasse vite les 2000 heures.
Dans le prochain article, je vous parlerai des outils qui facilitent le travail d’écriture.